lunes, 10 de octubre de 2016

Echanges de votes pour bloquer Trump : comment ça marche? par Estelle Pattée – Libération


Fuente: AFP
Des républicains, déçus par la désignation du milliardaire, ont créé une application sur mobile pour l'empêcher d'accéder à la Maison Blanche.

«En votant de façon stratégique en 2016, les républicains peuvent encore éviter le pire scénario : Trump s’emparant de la Maison Blanche», avertit le site Republicans for Clinton in 2016 (R4C16). Ce réseau a été créé par deux anciens responsables de l’administration de George W. Bush, John Stubbs et Ricardo Reyes, qui considèrent le candidat Donald Trump comme «inapte à la présidence» et soutiennent, de fait, Hillary Clinton. Pour faire barrage à Trump, ils ont mis en place un système de vote swapping (échange de votes), une pratique loin d’être récente mais qui pose question.

Pourquoi échanger son vote ?

Vous êtes républicain, mais comme les deux fondateurs du site, vous êtes déçu par la désignation de Donald Trump ? Vous ne voulez pas non plus voter pour Hillary Clinton, démocrate, et envisagez donc un vote contestataire, en donnant votre voix à un candidat tiers : le libertarien Gary Johnson. Problème : vous résidez dans un swing state, un Etat clé, qui peut faire basculer l’élection, tel la Floride, la Caroline du Nord, l’Ohio, la Pennsylvanie et le Texas. Voter pour un candidat tiers dans ce type d’Etat pourrait favoriser Trump. La solution : trouvez un ami dans un Etat «sûr», bleu ou rouge, qui souhaite voter pour Hillary Clinton. Vous lui demandez de voter pour Gary Johnson, en échange de quoi vous voterez pour Hillary Clinton. Un échange qui permet de ne pas trahir vos convictions, tout en faisant barrage à Trump.

Pour faciliter le processus, R4C16 a lancé une application, explicitement intitulée #NeverTrump, qui permet de trouver plus facilement des amis dans les Etats clés et les Etats sûrs. Seul problème : tout se fait sur l’honneur. Rien n’empêche donc un électeur de changer d’avis au dernier moment.

Est-ce légal ?

Acheter un vote est illégal mais qu’en est-il de l’échange de votes, qui ne suppose aucune valeur monétaire ? La question s’est posée lors de l’élection présidentielle de 2000, où a été utilisé pour la première fois l’échange de votes par Internet. L’élection était très serrée entre le républicain George W. Bush et le démocrate Al Gore. Dans une tribune publiée sur Slate, le 25 octobre 2000, le professeur de droit à l’American University de Washington Jamin Raskin proposait donc que les partisans de Ralph Nader (le candidat écologiste), qui vivaient dans les swing states, échangent leurs votes sur Internet avec des partisans d’Al Gore, résidents dans les Etats où le résultat de l’élection était acquis. De nombreux sites d’échanges de votes ont été créés, à l’instar de Votexchange, Nader Trader ou encore Voteswap 2000.

Mais la veille du vote, le site Voteswap 2000, basé à Los Angeles, a fermé subitement, tout comme Votexchange. En cause : les propriétaires des sites ont reçu un avis du secrétaire d’Etat de Californie, Bill Jones, qui estimait que le vote swapping viole la loi de l’Etat. Il faudra attendre 2007 pour qu’une cour d’appel des Etats-Unis statue enfin. Elle juge l’échange de votes conforme à la Constitution et estime que le secrétaire d’Etat, en faisant pression sur ces sites, a violé le premier amendement, qui protège notamment la liberté d’expression.

Peut-il vraiment avoir un impact sur le résultat ?

Tous les Américains se souviennent de l’élection de 2000, qui a vu le rôle déterminant du troisième candidat, Ralph Nader, dans la défaite d’Al Gore, dans l’Etat clé de Floride. «Ne laissez pas Gary Johnson être le Ralph Nader de l’élection 2016», appelle aujourd’hui le site Republicans for Clinton in 2016. En 2000, le vote swapping n’a pas eu les résultats escomptés. Pour les créateurs de R4C16, cités par Mother Jones, ces sites d’échanges de votes ont émergé trop tard, seulement quelques semaines avant l’élection et Internet n’était pas aussi développé et omniprésent qu’aujourd’hui.

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L’échange de vote semble encore aujourd’hui un phénomène marginal. L’application #NeverTrump ne dépasse pas la centaine de téléchargements sur mobile. «Le candidat Gary Johnson n’a pas l’étoffe de Ralph Nader, surtout après sa gaffe sur Alep», ajoute le politologue américain Daniel Warner. 

Pour Anne Deysine, professeure des universités à Paris-II et spécialiste des questions politiques et juridiques aux Etats-Unis, «l’échange de votes est un exemple des limites, dans ce pays, de la démocratie représentative. Les deux candidats sont les plus mal aimés de l’histoire politique américaine mais les électeurs savent qu’ils doivent quand même voter pour l’un ou pour l’autre.»

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