Fuente: REUTERS |
Le plus important cartel de drogue colombien, responsable
d’au moins 40 % du trafic de cocaïne du pays, vient d’annoncer qu’il voulait se
«soumettre à la justice». La nouvelle est pour le moins notable. En l’espace
d’une semaine, ce sont en effet les trois organisations illégales qui n’ont
cessé de menacer la sécurité du pays depuis plusieurs années qui ont déclaré
vouloir faire un pas vers la légalité.
La guérilla des Farc, après 52 ans de guerre, a signé un
accord de paix en 2016 et vient de se transformer en un parti politique ayant
pignon sur rue. La seconde guérilla, l’Armée de libération nationale, a accepté
lundi un cessez-le-feu avec le gouvernement, avec qui elle mène des pourparlers
de paix depuis sept mois. Et enfin le chef du sinistre Clan du golfe, Dario
Antonio Úsuga, alias Otoniel – qui depuis la démobilisation des Farc contrôle
de plus en plus de régions –, a annoncé cette semaine dans une vidéo postée sur
YouTube que lui et ses hommes étaient «disposés à suspendre toutes leurs
activités illégales».
Le président colombien Juan Manuel Santos a confirmé cette
annonce et souligné qu’il s’agirait d’une «reddition à la justice» et non d’une
négociation politique comme avec les guérillas, puisqu’il s’agit de
«délinquants, de trafiquants de drogues et non d’acteurs politiques». En
attendant, les ministères de la Justice et de la Défense planchent sur le devenir
de cette reddition collective. Si elle s’avère effective, elle marquerait un
moment majeur dans l’histoire de corruption et de violence du pays.
«Organisation
criminelle de nouvelle génération»
Otoniel, dont la tête est mise à prix pour 5 millions de
dollars (environ 4,1 millions d’euros), est un personnage au parcours criminel
hors du commun : ancien combattant de l’Armée populaire de libération, une
guérilla maoïste, il s’était engagé, suite à la démobilisation de celle-ci en
1991, dans les groupes paramilitaires fondés par les propriétaires terriens et
des cartels de drogue pour lutter contre les guérillas de gauche. Il deviendra
ainsi un des hommes de confiance de Carlos Castaño, un des chefs des
Autodéfenses unies de Colombies (AUC), ces milices d’extrême droite
responsables des heures les plus violentes de la Colombie avant leur
démobilisation polémique entre 2002 et 2006.
Depuis, il a mis en place une organisation connue sous le
nom des Urabeños (ou encore des Autodefensas Gaitanistas de Colombia, les AGC),
devenue une des principales structures criminelles du pays et spécialisée dans
la culture, la production et la distribution de stupéfiants, l’extorsion,
l’exploitation minière illégale et les réseaux de prostitution, avec plus de 3
000 hommes répartis dans treize départements et plus de cent cinquante
municipalités.
«Le Clan du golfe est une organisation criminelle de
nouvelle génération, dont la structure n’est pas pyramidale comme l’étaient
celles des cartels traditionnels, par exemple celui de Pablo Escobar à Medellín
ou celui du Sinaloa au Mexique», explique Ariel Avila, sociologue et directeur
de la Fondation Paz y Reconciliación. L’organisation serait ainsi dirigée par
51 chefs qui forment une sorte de confédération, protégée par une force d’élite
d’environ 1 500 hommes. Ce sont les fameuses AGC, qui tentent depuis plusieurs
années d’avoir une façade politique, avec un site internet, un hymne, des
uniformes militaires, et qui sont responsables de l’assassinat de militants des
droits de l’homme ou de leaders sociaux.
Disputes internes et
pression militaire
Chacun des chefs de la confédération contrôle de manière
assez autonome ses réseaux de trafiquants locaux. «Ils ont une expérience criminelle et militaire
brutale», souligne Ariel Avila. Le gouvernement a lancé depuis deux ans
plusieurs opérations militaires contre cette structure à la capacité de corruption
immense et complexe.
Depuis mai,
le Clan du golfe avait pour sa part déployé son «plan pistola», destiné à tuer
le plus de policiers possible. La semaine dernière, dans le cadre d’une
opération, les autorités ont confisqué des biens pour un montant de 130
millions de dollars (108 millions d’euros environ) et abattu le numéro 2,
Roberto Vargas, alias el Gavilán, dont l’extradition était réclamée par la
justice américaine.
Les disputes internes, la pression militaire, les
négociations de paix achevées et en cours sont autant de facteurs qui poussent
aujourd’hui Otoniel à vouloir négocier avec le gouvernement, estime le
politologue Carlos Montoya. Ce n’est pas le premier à avoir tenté de négocier
un acte de paix. En son temps, Pablo Escobar avait proposé de rembourser la
dette extérieure de la Colombie pour ne pas être extradé aux Etats-Unis…
Reste à
savoir sous quelles conditions l’Etat peut accepter la reddition du Clan du
golfe. Et si «on le laissera faire», s’inquiète Ariel Avila. En effet, nombreux
sont ceux qui sont prêts à tout pour empêcher l’organisation criminelle de se
mettre à table et de révéler ses secrets : les cartels mexicains qui achètent
sa production et utilisent ses routes, les agents de l’Etat qu’elle a
corrompus, les hommes politiques ou les hommes d’affaires qui ont été achetés… La
partie n’est pas encore jouée.
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