martes, 12 de septiembre de 2017

En Colombie, la mafia veut elle aussi négocier la paix, por Anne Proenza – Libération

Fuente: REUTERS
Le plus important cartel de drogue colombien, responsable d’au moins 40 % du trafic de cocaïne du pays, vient d’annoncer qu’il voulait se «soumettre à la justice». La nouvelle est pour le moins notable. En l’espace d’une semaine, ce sont en effet les trois organisations illégales qui n’ont cessé de menacer la sécurité du pays depuis plusieurs années qui ont déclaré vouloir faire un pas vers la légalité.

La guérilla des Farc, après 52 ans de guerre, a signé un accord de paix en 2016 et vient de se transformer en un parti politique ayant pignon sur rue. La seconde guérilla, l’Armée de libération nationale, a accepté lundi un cessez-le-feu avec le gouvernement, avec qui elle mène des pourparlers de paix depuis sept mois. Et enfin le chef du sinistre Clan du golfe, Dario Antonio Úsuga, alias Otoniel – qui depuis la démobilisation des Farc contrôle de plus en plus de régions –, a annoncé cette semaine dans une vidéo postée sur YouTube que lui et ses hommes étaient «disposés à suspendre toutes leurs activités illégales».

Le président colombien Juan Manuel Santos a confirmé cette annonce et souligné qu’il s’agirait d’une «reddition à la justice» et non d’une négociation politique comme avec les guérillas, puisqu’il s’agit de «délinquants, de trafiquants de drogues et non d’acteurs politiques». En attendant, les ministères de la Justice et de la Défense planchent sur le devenir de cette reddition collective. Si elle s’avère effective, elle marquerait un moment majeur dans l’histoire de corruption et de violence du pays.

«Organisation criminelle de nouvelle génération»

Otoniel, dont la tête est mise à prix pour 5 millions de dollars (environ 4,1 millions d’euros), est un personnage au parcours criminel hors du commun : ancien combattant de l’Armée populaire de libération, une guérilla maoïste, il s’était engagé, suite à la démobilisation de celle-ci en 1991, dans les groupes paramilitaires fondés par les propriétaires terriens et des cartels de drogue pour lutter contre les guérillas de gauche. Il deviendra ainsi un des hommes de confiance de Carlos Castaño, un des chefs des Autodéfenses unies de Colombies (AUC), ces milices d’extrême droite responsables des heures les plus violentes de la Colombie avant leur démobilisation polémique entre 2002 et 2006.

Depuis, il a mis en place une organisation connue sous le nom des Urabeños (ou encore des Autodefensas Gaitanistas de Colombia, les AGC), devenue une des principales structures criminelles du pays et spécialisée dans la culture, la production et la distribution de stupéfiants, l’extorsion, l’exploitation minière illégale et les réseaux de prostitution, avec plus de 3 000 hommes répartis dans treize départements et plus de cent cinquante municipalités.

«Le Clan du golfe est une organisation criminelle de nouvelle génération, dont la structure n’est pas pyramidale comme l’étaient celles des cartels traditionnels, par exemple celui de Pablo Escobar à Medellín ou celui du Sinaloa au Mexique», explique Ariel Avila, sociologue et directeur de la Fondation Paz y Reconciliación. L’organisation serait ainsi dirigée par 51 chefs qui forment une sorte de confédération, protégée par une force d’élite d’environ 1 500 hommes. Ce sont les fameuses AGC, qui tentent depuis plusieurs années d’avoir une façade politique, avec un site internet, un hymne, des uniformes militaires, et qui sont responsables de l’assassinat de militants des droits de l’homme ou de leaders sociaux.

Disputes internes et pression militaire

Chacun des chefs de la confédération contrôle de manière assez autonome ses réseaux de trafiquants locaux. «Ils ont une expérience criminelle et militaire brutale», souligne Ariel Avila. Le gouvernement a lancé depuis deux ans plusieurs opérations militaires contre cette structure à la capacité de corruption immense et complexe.

Depuis mai, le Clan du golfe avait pour sa part déployé son «plan pistola», destiné à tuer le plus de policiers possible. La semaine dernière, dans le cadre d’une opération, les autorités ont confisqué des biens pour un montant de 130 millions de dollars (108 millions d’euros environ) et abattu le numéro 2, Roberto Vargas, alias el Gavilán, dont l’extradition était réclamée par la justice américaine.

Les disputes internes, la pression militaire, les négociations de paix achevées et en cours sont autant de facteurs qui poussent aujourd’hui Otoniel à vouloir négocier avec le gouvernement, estime le politologue Carlos Montoya. Ce n’est pas le premier à avoir tenté de négocier un acte de paix. En son temps, Pablo Escobar avait proposé de rembourser la dette extérieure de la Colombie pour ne pas être extradé aux Etats-Unis…


Reste à savoir sous quelles conditions l’Etat peut accepter la reddition du Clan du golfe. Et si «on le laissera faire», s’inquiète Ariel Avila. En effet, nombreux sont ceux qui sont prêts à tout pour empêcher l’organisation criminelle de se mettre à table et de révéler ses secrets : les cartels mexicains qui achètent sa production et utilisent ses routes, les agents de l’Etat qu’elle a corrompus, les hommes politiques ou les hommes d’affaires qui ont été achetés… La partie n’est pas encore jouée.

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