Fuente: Liberation |
Y a-t-il plus de référendums aujourd’hui qu’avant ?
Oui, clairement, il y a une montée globale du nombre de
référendums. Mais il faut les différencier. Il y a ceux où, comme en Colombie,
une question est posée par le haut, à laquelle les citoyens répondent, et qui
donne lieu à une décision. Il y a les référendums révocatoires, un processus
qui vient du bas, et qui est en discussion en ce moment au Venezuela pour
Maduro, pour démettre un élu au cours de son mandat. Et ceux qu’on appelle en
France les référendums d’initiative populaire, ou en Suisse des initiatives
populaires, où à partir d’un certain nombre de signatures une question est
soumise au vote des citoyens. Qu’on prenne les trois ensemble ou séparément, on
assiste à une croissance du nombre de référendums.
Comment l’expliquer ?
Dans les vagues de démocratisation à travers le monde, les
nouveaux pays démocratiques ont souvent adopté des mécanismes de démocratie
directe, en plus des mécanismes de démocratie représentative. Et dans les pays
qui la connaissaient déjà, il y a eu une demande de plus de participation,
comme en Allemagne après la chute du Mur.
Y a-t-il une corrélation entre montée des populismes et
augmentation des référendums ?
Je ne pense pas. Déjà, je me méfie beaucoup de l’appellation
populiste, qui est employée de façon beaucoup trop large pour caractériser de
façon pertinente des mouvements que, par ailleurs, rien ou presque ne
rassemble. Toute politique fait appel aux émotions. Et prenez la Suisse : vous avez un
régime qui n’est pas populiste en soi - il peut y avoir des leaders populistes,
mais ce n’est pas ça qui en fait un régime populiste - alors que la moitié des
référendums dans le monde, jusqu’à il y a quelques années, avaient été faits en
Suisse.
Mais le «peuple» ne vote-t-il pas sous le coup de l’émotion
?
Bien sûr, le peuple peut voter de façon émotionnelle. Le
peuple peut se tromper. Mais il en va de même des élites politiques. On n’a pas
d’un côté des élites qui auraient la rationalité et de l’autre des peuples
irrationnels. Dans l’histoire,
les élites politiques ont entraîné des pays dans des aventures extrêmement
irrationnelles. Prenez Hitler. Prenez Blair et Bush sur la seconde
guerre du Golfe. Oui, le peuple peut se tromper. Mais les élites aussi.
Le référendum reste-t-il un bon outil de démocratie directe
?
Oui. Mais
s’il vient tout seul, s’il n’est pas accompagné d’une transformation plus
globale du système politique, alors le risque que le référendum soit mal
utilisé est plus grand. En Colombie, la participation a été très basse,
mais c’est le taux habituel des scrutins dans le pays. Quand on a une démocratie qui, sous tous ses
aspects, fonctionne mal, on peut difficilement penser qu’un seul instrument
institutionnel, même légitime, va pouvoir tout transformer. Un des courants
d’innovation aujourd’hui, sur la côte Ouest des Etats-Unis, est l’utilisation
des jurys citoyens tirés au sort qui discutent des questions soumises à
référendum dans des bonnes conditions et dont les conclusions sont envoyées aux
citoyens avant qu’ils votent. Il y a des réflexions pour améliorer cet
outil-là.
C’est donc
un outil qui nécessite un accompagnement ?
Comme tous
les outils. Des élections dans un système de partis gangsters qui n’ont comme
préoccupation que de piller l’Etat s’ils sont élus ne vont pas résoudre les problèmes
du pays. Prenez le système proportionnel : en Espagne, les partis sont
incapables de s’entendre pour former un gouvernement. En Allemagne, ils y
parviennent. Les mécanismes institutionnels n’ont pas en soi de valeur
intrinsèque. Il faut les replacer dans un contexte. En Hongrie, on a un
tournant autoritaire qui s’est fait par les élections et une société qui est en
crise profonde. Le référendum ne va pas bouleverser les choses. Au contraire,
il va s’inscrire dans cette tendance plus globale.
Mais l’instrument «référendum» peut être dévoyé…
Oui, il y a plusieurs manières de manipuler le référendum.
Par la question, par le bassin de population qui vote, par le calendrier du
référendum - poser la question à tel moment plutôt qu’à un autre joue forcément.
De façon globale, quand l’initiative vient d’en haut, les possibilités de
manipulation sont plus grandes, parce qu’il y a un acteur au pouvoir en mesure
de décider cela. Ça ne veut pas dire que tout référendum est manipulatoire.
Celui en Colombie ne l’était pas. On peut penser que celui d’Orbán l’était.
Pays-Bas,
Royaume-Uni, Hongrie… Référendums et Union européenne ne font pas bon ménage. N’y
a-t-il pas incompatibilité entre référendums et questions supranationales ?
C’est
encore une fois comme pour les élections. Le référendum, comme ces dernières,
s’applique à l’échelle locale, nationale. Mais pas à l’échelle transnationale,
où réside l’essentiel des problèmes. C’est un outil en décalage, qui
n’est que partiellement adapté pour les prises de décision.
No hay comentarios:
Publicar un comentario