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Pour la députée (LRM) de la deuxième circonscription des
Français de l’étranger, Paula Forteza, qui défend une gouvernance transparente
d’Internet, la régulation doit aussi passer par l’implication active des
utilisateurs, à l’aide d’outils participatifs. Elle était l’invitée de la
conférence « Ethique et intelligence
artificielle : quels enjeux ? » lors de la première édition du Monde Festival à
Montréal, le 26 octobre.
Les chartes et
déclarations se multiplient sur la gouvernance d’Internet. Face à des affaires comme celle de Cambridge Analytica, ces démarches
sont-elles vraiment adaptées?
Avec ces
déclarations, il s’agit d’affirmer des valeurs partagées, de poser les grands
principes qui vont fonctionner comme des boussoles. Mais il n’y a pas
une seule réponse aux défis éthiques du numérique. Cette approche, qui place
les différents acteurs devant leurs responsabilités, fait partie de la gamme
d’outils que l’on peut actionner, avec le recours à la loi (droit des personnes,
droit de la concurrence, etc.) ou le soutien aux petites et moyennes
entreprises qui portent un modèle européen alternatif.
Le premier réflexe face aux nouveaux défis que sont la
diffusion des fausses informations et des contenus haineux, ou encore la
multiplication des cyberattaques, est de penser qu’il faudrait mettre en place
une police d’Internet. Plus qu’un encadrement de ce type, c’est une
corégulation plus horizontale qu’il nous faut construire, en accord avec la
nature même d’Internet, basée sur la décentralisation et la liberté.
Google et Facebook
comptent parmi les signataires de ces campagnes. N’est-ce pas contradictoire
quand on sait que leur modèle économique est l’une des principales causes des
dérives?
Ces grandes
compagnies doivent aller plus loin, et des rencontres sont prévues dans les
prochains mois pour donner plus de contenus à ces contrats. Il faut assurer un
suivi, pointer du doigt ceux qui auront manqué à leurs engagements. La France
veut explorer la voie de la corégulation. Lors du discours d’ouverture de
l’Internet Governance Forum, Emmanuel Macron a annoncé une collaboration entre
les régulateurs français et Facebook, pour travailler ensemble sur la
problématique des contenus haineux, pendant six mois. Si cela n’est pas
conclusif, d’autres pistes plus strictes seront envisagées.
Etes-vous favorable à
un comité d’éthique du numérique en France, notamment sur les questions liées à
l’intelligence artificielle?
La création d’un tel comité n’est pas, pour moi, une
priorité. Je ne vois pas l’intérêt d’ajouter une nouvelle strate bureaucratique
constituée d’experts qui se parlent entre eux. On assiste à une inadéquation de
plus en plus grande d’institutions restées très verticales, éloignées des
citoyens, et qui mettent du temps à établir des règles avec les défis qui
s’accélèrent. Le législateur sera toujours en retard : quand on finit par se
mettre d’accord, les technologies sont dix pas devant. En parallèle, la société
civile s’empare de ces technologies, de façon décentralisée et agile, pour
développer des outils de régulation plus horizontaux. Il y a une contradiction
entre ces deux façons de faire.
Comment concilier les
approches?
Nous devons développer une « régulation ouverte », une «
régulation par la société », en élaborant de nouveaux outils pour que le
citoyen soit partie prenante, qu’il puisse participer directement à la
régulation des plates-formes numériques. Plutôt que d’ajouter de nouvelles
instances de régulation, il faut nous appuyer sur les leviers existants que
sont les régulateurs déjà mis en place par le législateur (la CNIL, l’Arcep, le
CSA, etc.) et leur donner plus de marges de manœuvre, comme nous l’avons fait à
travers le RGPD [Règlement général sur la protection des données], par exemple.
Ils doivent pouvoir attribuer
des certifications, des amendes, enquêter, ajuster rapidement et au fur et à
mesure leurs réactions face aux comportements de certaines entreprises.
Quel rôle le citoyen
peut-il jouer dans ces démarches?
Le problème est que ces régulateurs ne sont pas contrôlés
démocratiquement, comme le sont les législateurs. Les citoyens doivent pouvoir
observer l’action des régulateurs, être consultés, réagir, faire des
signalements de façon participative. Aux Etats-Unis, par exemple, des
plates-formes ouvertes permettent aux citoyens de suivre et de commenter
l’action des régulateurs.
Pour reprendre la main sur leurs activités en ligne, les
utilisateurs ont besoin d’outils, de données, d’informations : les régulateurs
doivent pouvoir les fournir et devenir une plate-forme de ressources. Ceci
permettra d’équilibrer la relation de pouvoir entre les utilisateurs et les
grandes plates-formes, qui est profondément asymétrique.
Dans le domaine de la
protection des données personnelles, cela signifie-t-il que le règlement
européen ne suffit pas?
Le RGPD impose un consentement éclairé de l’utilisateur sur
l’usage qu’une plate-forme va faire de ses données. Mais on voit certains acteurs interpréter cette
loi au minimum. Or on ne peut pas tout détailler dans la loi, qui doit
seulement définir des grands principes pour ne pas bloquer l’innovation.
C’est là
que la régulation ouverte prend tout son sens. Un nouvel écosystème, associatif
ou entrepreneurial, est en train de se mettre en place autour de la protection
des données pour créer des outils, des fonctionnalités qui permettent aux
individus, par exemple, de visualiser la façon dont leurs données sont
utilisées en temps réel, des solutions opérationnelles pour la portabilité des
données, des parcours de consentement plus clairs, pour que l’utilisateur ne
soit pas piégé par un gros bouton qui s’affiche très vite, ou par des textes
trop longs et impossibles à lire, ou des cases précochées… Ces nouveaux
acteurs, parfois incubés par des grands groupes, doivent pouvoir collaborer
avec les régulateurs de l’Etat.
Quel est le rôle de l’Etat dans ce dispositif ?
C’est à lui d’organiser cette nouvelle gouvernance
décentralisée du numérique : d’un côté les règles, comme le RGPD ou les actions
de groupe, et de l’autre de nouveaux moyens donnés aux régulateurs et aux
citoyens. Il doit aussi intervenir sur la fiscalité du numérique et les
conditions pour une concurrence loyale dans l’industrie du numérique.
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