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Irma a
frappé avec une violence inouïe, Harvey
avec des pluies torrentielles et interminables... Faut-il y voir la main du
réchauffement climatique ? Explications du météorologue Fabrice Chauvin.
Les pluies
torrentielles de l’ouragan Harvey s’étaient à peine calmées sur le Texas
qu’Irma atteignait les Antilles avec des vents soufflant à plus de 300 km/h , rasant tous les
paysages sur son passage. Ces deux cyclones tropicaux sont-ils une
manifestation du dérèglement climatique ? Explications de Fabrice Chauvin,
chercheur au Centre national de recherches météorologiques, Météo France.
On entend en boucle que l’ouragan Irma est le
plus grand, le plus fort... Est-ce le cas ?
Fabrice
Chauvin : C’est effectivement l’ouragan le plus fort jamais
enregistré sur l’arc antillais et à l’est du bassin Atlantique. Mais ce n’est
pas le plus fort sur l’ensemble du bassin Atlantique, il
y en a eu d’autres. En revanche, celui-ci est passé avec cette force maximale
sur les îles de Barbuda , Saint-Martin et Saint-Barthélémy.
Durée des
ouragans de catégorie 5, le 7 septembre à 12 heures GMT
D’où vient la force
extrême d’Irma ?
Il y a plusieurs facteurs : la température à la surface des
mers, qui explique que la saison actuelle soit légèrement plus active que les
autres saisons. Irma a rencontré des températures de surface de la mer élevées,
et sa trajectoire est restée confinée au Sud par rapport à ce qu’il aurait fait
s’il n’avait pas été bloqué par l’anticyclone des Açores. Il a probablement rencontré un faible
cisaillement des vents… Autrement dit, aucun élément inhibiteur n’a pu empêcher
son renforcement.
L’ouragan Irma est-il une conséquence du
dérèglement climatique ? Ou l’une de ses manifestations ?
En aucun
cas il n’est une conséquence du réchauffement climatique : on ne peut attribuer
un événement particulier au réchauffement global. Mais les projections
climatiques actuelles envisagent la possibilité que la fréquence des cyclones
intenses augmente avec le réchauffement. Autrement dit, il n’y aurait pas
d’augmentation du nombre de cyclones – il pourrait même y avoir une baisse –
mais les cyclones très intenses pourraient voir leur fréquence augmenter.
Dans quelle proportion ?
On compte
aujourd’hui 80 tempêtes tropicales par an. Pour moitié, ce sont des cyclones
tropicaux. Sur cette moitié, on observe une vingtaine de cyclones majeurs. Eh
bien on pourrait en compter un ou deux de plus par an d’ici la fin du XXIe
siècle. Cela reste marginal. Et on ne détecte pas, dans la période récente, de
tendance liée au réchauffement climatique.
Le changement
climatique peut-il avoir d’autres effets sur les cyclones ?
Il peut avoir un autre effet oui, qui n’a pas été observé
avec Irma mais l’a été avec Harvey : une augmentation des pluies associées au
cyclone. On parle souvent des
vents, mais la pluie peut être très destructrice. Pour Harvey , on a dépassé le mètre de pluie, c’est
exceptionnel et lié au fait qu’il est resté longtemps à la même place. De
façon générale, les simulations climatiques montrent une augmentation nette de
ces pluies, de 20% environ. Le phénomène s’explique aisément : une atmosphère
plus chaude peut contenir plus d’humidité à l’état de vapeur. Dans un système
violent tel qu’un cyclone tropical, il y a plus d’humidité disponible, qui peut
donc dégénérer en pluie.
Irma a été classé en
catégorie 5. Si l’on observe davantage de cyclones intenses, faudra-t-il créer
une catégorie 6 ?
La question
s’est posée dans la communauté scientifique. Mais pour l’instant, les cinq
catégories sont suffisantes, et la création d’une sixième est en réalité assez
compliquée : il faudrait réviser les cyclones dans les bases de données qui
remontent à 1850, pour voir si certains sont susceptibles d’être reclassés en
catégorie 6, sachant qu’il y a toujours une part d’empirique dans les
estimations des vents. Depuis les années 1970 et l’avènement des satellites, on
ne rate plus de phénomène, mais il reste une incertitude sur leur force. Or
pour comparer les cyclones entre eux, il faut être sûr des données…
Le réchauffement
climatique peut-il avoir un impact sur la trajectoire des cyclones ?
Oui, mais plutôt en marge des zones cycloniques. On ne pense
pas qu’il y aura un bouleversement majeur dans les trajectoires mais la cour de
récré des cyclones pourrait s’étendre légèrement vers les pôles, de quelques
centaines de kilomètres. En ce qui concerne l’Atlantique, ils pourraient donc
remonter vers la côte est des Etats-Unis. Ce qui suppose de s’y préparer, car
là où les cyclones font le plus de dégâts, c’est là où les gens sont le moins
préparés.
Si des zones non
cycloniques peuvent devenir cycloniques, l’Hexagone pourrait-il être touché ?
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