viernes, 8 de septiembre de 2017

Réchauffement climatique : "Les cyclones très intenses pourraient augmenter" – L’Obs

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Irma a frappé avec une violence inouïe, Harvey avec des pluies torrentielles et interminables... Faut-il y voir la main du réchauffement climatique ? Explications du météorologue Fabrice Chauvin.

Les pluies torrentielles de l’ouragan Harvey s’étaient à peine calmées sur le Texas qu’Irma atteignait les Antilles avec des vents soufflant à plus de 300 km/h, rasant tous les paysages sur son passage. Ces deux cyclones tropicaux sont-ils une manifestation du dérèglement climatique ? Explications de Fabrice Chauvin, chercheur au Centre national de recherches météorologiques, Météo France.

On entend en boucle que l’ouragan Irma est le plus grand, le plus fort... Est-ce le cas ?

Fabrice Chauvin : C’est effectivement l’ouragan le plus fort jamais enregistré sur l’arc antillais et à l’est du bassin Atlantique. Mais ce n’est pas le plus fort sur l’ensemble du bassin Atlantique, il y en a eu d’autres. En revanche, celui-ci est passé avec cette force maximale sur les îles de Barbuda, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

Durée des ouragans de catégorie 5, le 7 septembre à 12 heures GMT

D’où vient la force extrême d’Irma ?

Il y a plusieurs facteurs : la température à la surface des mers, qui explique que la saison actuelle soit légèrement plus active que les autres saisons. Irma a rencontré des températures de surface de la mer élevées, et sa trajectoire est restée confinée au Sud par rapport à ce qu’il aurait fait s’il n’avait pas été bloqué par l’anticyclone des Açores. Il a probablement rencontré un faible cisaillement des vents… Autrement dit, aucun élément inhibiteur n’a pu empêcher son renforcement.

L’ouragan Irma est-il une conséquence du dérèglement climatique ? Ou l’une de ses manifestations ?

En aucun cas il n’est une conséquence du réchauffement climatique : on ne peut attribuer un événement particulier au réchauffement global. Mais les projections climatiques actuelles envisagent la possibilité que la fréquence des cyclones intenses augmente avec le réchauffement. Autrement dit, il n’y aurait pas d’augmentation du nombre de cyclones – il pourrait même y avoir une baisse – mais les cyclones très intenses pourraient voir leur fréquence augmenter.

Dans quelle proportion ?

On compte aujourd’hui 80 tempêtes tropicales par an. Pour moitié, ce sont des cyclones tropicaux. Sur cette moitié, on observe une vingtaine de cyclones majeurs. Eh bien on pourrait en compter un ou deux de plus par an d’ici la fin du XXIe siècle. Cela reste marginal. Et on ne détecte pas, dans la période récente, de tendance liée au réchauffement climatique.

Le changement climatique peut-il avoir d’autres effets sur les cyclones ?

Il peut avoir un autre effet oui, qui n’a pas été observé avec Irma mais l’a été avec Harvey : une augmentation des pluies associées au cyclone. On parle souvent des vents, mais la pluie peut être très destructrice. Pour Harvey, on a dépassé le mètre de pluie, c’est exceptionnel et lié au fait qu’il est resté longtemps à la même place. De façon générale, les simulations climatiques montrent une augmentation nette de ces pluies, de 20% environ. Le phénomène s’explique aisément : une atmosphère plus chaude peut contenir plus d’humidité à l’état de vapeur. Dans un système violent tel qu’un cyclone tropical, il y a plus d’humidité disponible, qui peut donc dégénérer en pluie.

Irma a été classé en catégorie 5. Si l’on observe davantage de cyclones intenses, faudra-t-il créer une catégorie 6 ?

La question s’est posée dans la communauté scientifique. Mais pour l’instant, les cinq catégories sont suffisantes, et la création d’une sixième est en réalité assez compliquée : il faudrait réviser les cyclones dans les bases de données qui remontent à 1850, pour voir si certains sont susceptibles d’être reclassés en catégorie 6, sachant qu’il y a toujours une part d’empirique dans les estimations des vents. Depuis les années 1970 et l’avènement des satellites, on ne rate plus de phénomène, mais il reste une incertitude sur leur force. Or pour comparer les cyclones entre eux, il faut être sûr des données…

Le réchauffement climatique peut-il avoir un impact sur la trajectoire des cyclones ?

Oui, mais plutôt en marge des zones cycloniques. On ne pense pas qu’il y aura un bouleversement majeur dans les trajectoires mais la cour de récré des cyclones pourrait s’étendre légèrement vers les pôles, de quelques centaines de kilomètres. En ce qui concerne l’Atlantique, ils pourraient donc remonter vers la côte est des Etats-Unis. Ce qui suppose de s’y préparer, car là où les cyclones font le plus de dégâts, c’est là où les gens sont le moins préparés.

Si des zones non cycloniques peuvent devenir cycloniques, l’Hexagone pourrait-il être touché ?

Un cyclone sur l’Hexagone n’est pas impossible, mais fort peu probable, réchauffement ou pas. Il n’y a pas de limitation physique dans l’atmosphère au fait qu’un cyclone touche nos côtes mais généralement, les cyclones se développent dans les tropiques et y restent.

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